En musique classique, deux modes principaux définissent la gamme d'une oeuvre : majeur ou mineur. La première invite généralement à des harmonies joyeuses, lumineuses. La seconde est souvent plus dramatique ou triste.
Paradoxalement - et c'est la marque des génies - il arrive l'instant où l'on ne sait plus si l'on doit sourire d'une certaine couleur ou en pleurer. Soudain un mode majeur nous transfigure si profondément qu'on se sent défaillir alors que son passage précédent, faire d'accords mineurs et sombres, ne nous ébranlait pas tant.
J'y vois deux sortes de larmes : celles qui nous donnent la sensation d'être séparé et celles qui nous donnent la sensation de se retrouver. Chacune d'elles peut être puissante, comme un rappel. Comme l'Himalaya, en nous.
N'est-ce pas là l'essentiel de notre mouvement, une vie durant, rentrant de scène ou sortant des coulisses, partant chez soi ou s'en allant au loin, embrassant l'autre ou s'oubliant soi ? Pourtant il n'est jamais question que de nous-même, transporté ici ou là...
JUIN
Voilà la période des pleines lunes, des solstices et des éclipses, celle qui nous dit que tout est possible ! Le noir peut s'immiscer dans le jour et le jour, comme une grande lune ronde, illuminer nos nuits. L'éclipse nous dit que rien ne s'en va complètement mais que rien ne se fige non plus. Comme des masques, comme des voiles, une joie peut se glisser sur une mélancolie et un soupir faire basculer la gloire. Au final, la nuit ne pourra jamais faire disparaître la lumière. Elle ne pourra, tout au plus, que s'immiscer, l'habiller ou la parer.
La plus fine étincelle se reflète dans l'obscurité d'une grotte. Mais la plus grande pénombre n'a aucun effet à l'intérieur d'une flamme.
Pourtant cette période nous chamboule pour certains. Passant du mode majeur au mode mineur en une seconde, tantôt heureux ou en colère, plein d'espérance ou au contraire désespéré... Voilà que nous sommes vivants !
LA NUIT DES TEMPS
La science révèle que ce que nous prenons pour la nuit n'est pas réellement noir ! Depuis le Big Bang, un rayonnement fossile n'a jamais cessé d'être, très intensément les quatre cent milles premières années, puis dans une fréquence devenue trop lente pour être visible par nos yeux non-habitués. Pourtant la lumière demeure toujours, jusque dans nos nuits !
Ces éclipses du ciel sont aussi, parfois celles de notre esprit. Jamais parti, il s'amuse à se voiler, à se costumer, à nous faire tourner la tête... Alors nous réalisons qu'il n'est question que de ce que nous décidons de voir, de créer à chaque moment de notre propre univers.
MODULATION
Le célèbre champion de tennis, Novak Djokovic, l'a avoué récemment lors de cette fameuse finale de Roland Garros où, parti perdant après deux sets à zéro, il demande à l'arbitre de retourner dans ses vestiaires pendant quelques instants. Cet adepte de la préparation mentale décide, à cet instant, d'écouter les deux voix qui se jouent en lui : celle, mineure, qui lui crie qu'il ne vaut rien et qu'il va perdre ; puis celle, majeure, qui murmure qu'il y a peut-être encore une chance. Pendant qu'il décide de donner plus de timbre à la deuxième pour, peu à peu, diminuer la première, il change de vêtements. Lui qui portait un tee-shirt rouge et un short blanc, il revient sur le cour avec un tee-shirt blanc et un short rouge. Dès sa première balle, tout a "switché" comme on dit en Programmation Neuro-Linguistique. Il mène et va jusqu'au bout du match, gagnant. Si l'on voulait décrire une séance d'hypnose ou de coaching, on ne pourrait trouver meilleure allégorie !
Apprendre à se connaître soi-même, c'est réaliser l'auteur des modes majeurs ou mineurs que nous sommes, s'en amuser et prendre le risque même, parfois, comme un voilier, de plier jusqu'à l'extrême, pour vérifier qu'au bout du compte, personne d'autre que soi ne peut avoir la barre. Il n'y a que soi-même qui en soit le maître à bord.
Par tempêtes ou par grand soleil, chacun de nous a connu, au moins une fois dans sa vie, ce moment de solitude en plein milieu d'une fête ou, au contraire, celui d'après-midis pluvieuses, célébrant la vie comme jamais en soi...
EMBRASSER NOS PARADOXES
Le mystère est cela : découvrir que ce que nous prenions pour des opposés, pour des luttes, n'était en réalité que deux amoureux nécessaires l'un pour l'autre, deux paradoxes faits pour s'embrasser. Notre peur met en lumière notre courage, nos doutes accompagnent notre foi.
Quelle drôle d'idée de vouloir "gérer" ses émotions au lieu d'apprendre à diriger ses pensées ! Ce serait comme demander à un animal sauvage de s'asseoir bien à table au lieu de le laisser vivre dans son espace naturel et de choisir par où l'on souhaite se promener. Ce serait comme un tireur à l'arc cherchant précisément à éviter sa cible !
En cette période de fin des Temps, au sens littéral du terme, il nous est justement permis de réaliser qu'en nous perdure à jamais ce qui va bien au-delà de la durée. Une nouvelle gamme pour une nouvelle oeuvre...
En traversant nos mondes, nous retrouvons ce qui jamais ne fut perdu et nous apprenons à manier vraiment notre art, notre esprit, notre vibration. En un mot : notre musique !
Cela peut sembler de tous petits gestes anodins. Parfois l'impression même de revenir sur ses pas, de ne pas évoluer, de tâtonner. Mais comme une partition, la mélodie revient chaque fois un peu différente, plus elle-même et ouvre à des harmonies inédites...
Je me demande quelle va être, pour vous, celle de ce solstice d'été.
Vous souhaitant un magnifique mois de lumière et d'ombre au service de votre musique,
Je vous embrasse du fond du coeur, au bout des doigts !
Hélène Tysman
photo crédit ©lou Sarda
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